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    Méli-Mélench’

    articles et video liés : Chez Drucker, Mélenchon a pris le PC par les sentiments

                                          La mascarade démocratique

                                      

    Si l’abnégation et l’adaptation aux circonstances d’intérêt sont les clés de l’intelligence politique, Jean-Luc Mélenchon est très intelligent.

    Quiconque s’intéresse un peu au domaine sait très bien que, de façon générale, le compromis, l’alliance, le calcul, voire le retournement, font partie du jeu de l’homme public qui veut mener sa carrière au plus haut tout en essayant de se montrer fidèle aux convictions profondes.

    Néanmoins, le président du très récemment créé Parti de gauche a toujours revendiqué sa liberté de ton et son intégrité de manœuvre tout au long d’un itinéraire « fort en gueule ». La combinaison de ces deux attitudes, apparemment incompatibles, permet quand même de dégager des tendances, des récurrences d’affinités qui situent plus clairement le personnage sur l’échiquier de gauche et sa position quant aux autres structures dont il a fait partie, ou, qu’il a approchées en vue de négocier. Il semble, donc, utile de retracer synthétiquement la carrière de notre homme afin de comprendre plus justement son rôle et ses ambitions d’aujourd’hui.

    Jeunesse militante et installation politique

    Né à Tanger, en 1951, de père pied-noir, il rejoint la métropole en 1962. Cette migration post-coloniale sera celle de nombreuses figures politiques françaises qu’il retrouvera plus tard au fil de sa carrière. Les frères Assouline, Jacques Attali, Eric Besson ou Bertrand Delanoë, pour ne citer qu’eux, connaîtront le même sort trans-méditérranéen mais, le cas le plus intimement lié au sien, de par ses trajectoires et positions, est le parcours de Julien Dray. En effet, celui qui sera à l’origine de l’organisation de moult associations, telles SOS Racisme, la FIDL ou Ni putes ni soumises, articulera son ascension autour des mêmes chapelles politiques (Unef, trotskysme, réseau associatif, PS).

    Très actif, Jean-Luc Mélenchon ne perd pas de temps, et, nourri de la rage du déraciné, s’implique très vite dans la contestation lycéenne de mai 68, s’affirmant, ainsi, comme leader du mouvement des établissements de sa nouvelle ville, Lons-le-Saunier. Il rejoint l’UNEF sitôt entré à l’université et devient alors membre du bureau de l’Unef-Unité syndicale. Parallèlement, sa liste aux élections du CROUS, organisme social lié au monde étudiant, sort victorieuse en 1975. On témoigne également de sa présence aux réunions de la Mnef, autre pouponnière socialo-trotskyste. Cette dernière sera le nid, dès le milieu des années 70, de manipulations frauduleuses qui déboucheront, en 1999, sur des mises en examen de personnalités politiques pour enrichissement personnel, assorti d’emplois fictifs, en même temps qu’elles provoqueront la démission du ministre Strauss-Khan, sorti blanchi malgré une somme colossale (603 000 F) perçue en échange de pas grand-chose. Le voilà donc fort impliqué dans le milieu de l’opposition estudiantine et de ses différentes structures.

    À cette même période, l’un ne va pas sans l’autre, il rejoint l’Organisation Communiste Internationaliste dont il devient le dirigeant à Besançon. Il adopte Santerre pour pseudonyme et entre, aux côtés de Jospin et Cambadélis , dans l’organisation de Pierre Boussel, alias Lambert, partageant ainsi ses aspirations trotskystes internationalistes et sa condamnation de l’égoïsme des nations. On est, donc, encore bien loin des bouffées patriotes et de la tentative protectionniste d’aujourd’hui. Les dérives sectaires de ce mouvement, tantôt ramifié, tantôt dissolu, tantôt reformé, tantôt putschiste, qui prône la révolution permanente sans compter de prolétaires parmi ses troupes, sont assez connues pour ne pas s’y étendre, tout comme ses techniques d’infiltrations qui en ont été la stratégie politique.

    Notons simplement que, bien avant la constitution de l’actuel Front de gauche auquel s’est associé aujourd’hui le Parti Communiste moribond, la combinaison du monde universitaire et du trotskisme contribua alors à la marginalisation de ce même PC en le privant de l’apport des forces vives de la jeunesse.

    De désillusions en manque d’efficacité, de rivalités intestines en aspirations de reconnaissance, nombreux sont les membres qui sortent des rails de l’OCI, tout comme de la LCR, pour rejoindre d’autres formations. Mélenchon sera dans le wagon bondé de ceux qui passeront du rouge au rose.

    L’élan socialiste, le monde associatif et la franc-maçonnerie

    Il adhère en 1977, alors que, depuis 1971, le parti socialiste refondé à Epinay par Mitterand occupe, de plus en plus, une place hégémonique dans la sphère de gauche. Dans un désir de rassemblement, Mélenchon, alors responsable départemental, encadre un journal voué à l’union PS-PC. Néanmoins, comme ce dernier refuse le programme commun de gouvernement et, qu’en même temps, notre homme est remarqué à la fête du Poing et de la Rose par Claude Germon, membre du bureau exécutif du PS, le feu Santerre choisit le camp des puissants et devient directeur de cabinet de Germon à Massy. Il trouve là son fief et gravit avec souplesse les marches de la hiérarchie politique en devenant successivement premier secrétaire de la Fédération de l’Essone, conseiller municipal et adjoint au maire de Massy, conseiller général et, en 1986, le plus jeune sénateur alors en exercice. Il assure à ce moment son assise politique en quadrillant canton et département par le biais de l’installation d’autres transfuges trotskystes à des postes clés ( Didier Leconte, Isabelle Thomas et ... Julien Dray ).

    Dans un même temps, il participe au lancement d’associations comme La nouvelle école socialiste ou La république sociale dans lesquelles commencent à émerger des noms connus tel Harlem Désir, Delphine Batho, future présidente de la FIDL, Gérard Filoche, ex-LCR, ou Malek Boutih.

    Sa carrière est donc mise sur orbite pendant cette période qui le voit parallèlement introduit en franc-maçonnerie. Bien qu’il ait refusé de répondre clairement à la question de son appartenance, cette affirmation, qui aurait très bien pu être réfutée par un non catégorique, est aujourd’hui un secret de polichinelle. Rappelons, à ce titre, des propos qu’il a tenus quant à cette « religion de la république » : « la maçonnerie est utile à la république », « il est important qu’une part de nos élites soit rappelée dans la lumière », « ces loges sont utiles à la république ». Ses dires sont sans ambiguïté, tout autant que le choix du lieu de sa réplique au discours de Latran effectuée devant le Grand Orient de France. Il siège, en fait, à la puissante Fraternelle parlementaire et intervient à maintes reprises dans les loges en tant que FF (frère), comme ce 22 janvier 2008 où il traita du devoir de riposte des francs-maçons suite aux propos de Sarkozy en Vatican. Son obédience et les contacts qu’elle favorise ne sont évidemment pas étrangers à cette nouvelle envergure. Julien Dray (tiens, encore lui), Manuel Valls ou Henri Emmanuelli, par exemple, se montrent également très discrets sur la question mais, que ce soit par appartenance, passée ou présente, ou par relations intimes, il est inutile, à ce niveau-là, de jouer sur les mots, ou de faire déni de réalité.

    Il se positionne, en ce début d’ère socialiste, comme un fervent appui de Mitterrand. Séduit par cet homme, il annula, déjà en 1972, son intervention critique alors que le futur Président de la République l’épatait de sa rhétorique au cours d’un meeting. Il est, dit-on, fasciné par les puissants et prétend, dès ses débuts, que grâce à la politique, « rien ne peut nous échapper, on peut tout contrôler ». Une fois à bord, il s’oppose durement aux mouvements de Rocard et Chevènement afin de protéger le noyau mitterrandiste. Pourtant, en 1988, début du second mandat qui n’implique plus les mêmes espoirs ni les mêmes objectifs, il se démarque, lui aussi, en créant La Gauche socialiste en compagnie de Julien Dray (tiens, re lui) et Marie-Noëlle Lienemann. Ce mouvement présentera ses propres motions à différents congrès avec peu de succès et, à nouveau, beaucoup de divisions. Son existence sera, donc, plutôt éphémère. Après de nombreuses prises de positions contradictoires (il critique Rocard avant de le soutenir en 1993, s’oppose à Jospin en 1997 avant d’accepter de faire partie de son gouvernement...) et quelques désillusions (il se présente au poste de premier secrétaire du PS mais est largement battu par Hollande), on lui propose calme et stabilité, en 2000, grâce à sa nomination comme ministre délégué à l’enseignement professionnel du gouvernement Jospin.

    À cette occasion, il s’entoure d’un cabinet très orienté, composé, entre autres de Valérie Atlan, ancienne présidente de l’Union des Étudiants Juifs de France à Montpellier, ancienne responsable de la communication à SOS Racisme, d’Éric Benzekri, ancien cadre trotskyste et de Daniel Assouline, qui dirigea avec son frère David la Ligue Ouvrière Révolutionnaire, une autre chapelle de Léon. Il convient, donc, de noter, que Jean-Luc Mélenchon n’oublie pas les anciens amis et montre une évidente intimité avec le réseau associatif satellitaire du PS qui s’affirme dans la vie politique et médiatique française à partir du milieu des années 80. Il sera, d’ailleurs, lui-même, pendant un temps, militant du SOS de Julien Dray (tiens, toujours lui).

    La défaite de 1992 a des airs de chronique d’une mort annoncée et, en réaction à la débâcle, Jean-Luc Mélenchon, trahi par son ami Julien qui s’est prononcé en faveur de Hollande, crée le courant Nouveau Monde avec Henri Emmanuelli . Cet énième mouvement du parti éclatera, à nouveau, peu après sa naissance en raison des divergences de points de vue sur la question européenne. En effet, alors qu’il a soutenu l’Acte unique, créant le marché unique, puis le traité de Maastricht et la création de l’euro (c’est parce que le plus grand nombre d’entre nous y voit un pas vers ce qui compte... : la volonté de voir naître la nation européenne), Mélenchon entreprend une démarcation mais ne trouve pas d’accord autour de lui. Il fonde encore un mouvement appelé Trait d’union, visant à un rapprochement des différentes positions, ainsi que l’association indépendante Pour la République Sociale, inspirée, en partie, par la création de Die Link en Allemagne.

    Sa vision de la question européenne est très fluctuante ; il est, d’ailleurs, favorable à l’entrée de la Turquie avant de s’y opposer. Cependant, sa position devient plus concrète au lendemain du référendum de 2005 qui a vu le refus manifeste des français à faire partie du projet. Il surfe sur la vague et devient progressivement un fervent défenseur du non à cette UE mondialiste et voit logiquement Fabius, qui est sur la même ligne, comme fer de lance idéal dans cette opposition au consensus socialiste. Il soutient évidemment la candidature de ce dernier à la tête du parti, même s’il trouve aussi Strauss-Khan « intelligent » et de « bonne mine ». Ni l’un, qui ne se présente finalement pas, ni l’autre, qui a déjà la tête au FMI, ce sera Ségolène Royal. Après réflexion, il indiquera sur son blog que, en fin de compte : « elle paraît la seule efficace pour atteindre le programme commun le plus élémentaire : être présent au deuxième tour et battre la droite ». Quelques mois après, il publiera un ouvrage intitulé En quête de gauche dans lequel il s’en prendra vivement à sa feue meilleure candidate.

    Tout cela devient ubuesque et ingérable ; à l’heure où les organismes de gauche, syndicats et partis, se séparent de leur base populaire pour sauver fauteuils et appareil, les ouvriers vont au FN et Mélenchon quitte le PS.

    Parti et Front de gauche

    Il crée le PG le 1er février 2009. Le début de cette émancipation visible, à compter qu’elle ne soit pas mandatée en sous-main pour courtiser les extrêmes, passe avant tout par une recherche d’alliances et, donc, de futurs électeurs. Quand on monte une affaire, on commence souvent par s’associer. Ses premières démarches l’amèneront, ainsi, à se tourner vers le PCF, le NPA et Europe Écologie. Si le premier accepte, par obligation de survie, Besancenot, plus enclin à la division sponsorisée qu’à l’espoir d’une vraie gauche unifiée, refuse la rivalité alors que Cohn-Bendit le soufflette en direct à la radio malgré de nombreuses caresses dans le sens du poil rouge. Sans doute, ses déclarations faites lors d’un débat précédent avec Julien Dray (pff... ça devient lassant), avec qui, finalement, il ne semble pas vraiment fâché, l’auront pénalisé car il est difficile de prétendre que ces derniers, tout comme Bové et Buffet, « n’ont rien à proposer » et de les inviter, par la suite, à une union de circonstance. Le Front de gauche ne sera finalement constitué que du PG, du PCF, de la Gauche Unitaire, branche en scission du NPA, et de quelques petites formations (République et socialisme, la Convention pour une alternative socialiste...)

    Malheureusement pour lui, ces essais de coalition auront un double effet néfaste. S’ils révèlent, d’abord, l’affirmation des egos au détriment de la cause commune, ils déclenchent, par rebond, une série de critiques qui ne l’avantage guère. En effet, sa tentative de séduction auprès du citoyen allemand Bendit, écologiste néolibéral, pro-européen et atlantiste, semble incompatible avec sa position de refus d’une Europe capitaliste et sa volonté, de plus en plus tranchée, d’un retour à l’autonomie de finance des nations. Peut-être aurait-il mieux valu, pour lui, se tourner vers Dupont-Aignant, avec qui il semble partager davantage de valeurs, mais là on tendait au grand écart et les ischios du PG l’auraient sûrement amené au claquage.

    Après cet échec quant à l’union des figures gauchistes, Mélenchon comprend qu’il devra aller chercher lui-même le prolo s’il veut un jour se présenter décemment aux présidentielles. Le hic, et il n’en est pas exempt de responsabilité, c’est que l’ouvrier est parti chez Jean-Marie, et là, ce ne serait même plus de souplesse mais carrément de contortionnisme dont il devrait faire preuve. Pourtant, il faut bien y aller ; heureusement il y a Marine, ça se verra moins, c’est moins miné. Et c’est ainsi que notre homme fait du petit pied à celle-là même avec laquelle il a failli s’empoigner sur France 3 et la décrit, cette fois sur RMC, comme une modérée à propos de la question de l’identité ! Déjà qu’ils étaient tous deux d’accord sur le retour au droit d’un pays à frapper sa propre monnaie, je me demande s’ils n’ont pas le même référent quant au sujet... C’est compliqué la politique : comment il va expliquer cela à Marie-Georges ? En tout cas, pour faire sortir le fraiseur du FN et le faire revenir là où il a le sentiment d’avoir été trahi, va falloir bosser sur le long terme, surtout lorsqu’on a déclaré vouloir réduire le FN à néant.

    Bref, si l’abnégation et l’adaptation aux circonstances d’intérêt sont les clés de l’intelligence politique, Jean-Luc Mélenchon est un homme, apparemment, bien seul pour mener sa révolution citoyenne au bout de trente ans de service. Il multiplie, certes, les allusions au bolivarisme et au chavisme mais il me semble que, là encore, le créneau est déjà pris par des gens dont l’intégrité ne paraît pas propice à la manœuvre politicienne. Peu importe, en fin de compte, son « programme élémentaire » est « de battre la droite » et, si d’aventure, il doit donner consigne de vote dans un probable duel Stauss-Khan/Le Pen, ou autre, il appellera les néo-militants récoltés à se prononcer en faveur du socialiste. De là à penser que tout cela a été orchestré par le PS et ses filières intimes pour ratisser large aux élections en créant de nouvelles voix... Chacun en sera témoin, en temps et en heure.


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