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La marée noire dans le Golfe du Mexique © AFP « Le pire est à venir. » Cette prédiction, qui date de dimanche, n’émane pas du leader d’une secte apocalyptique, mais d’un proche de Barack Obama lorsqu’il évoque le « plus gros désastre environnemental qu’aient jamais connu les Etats-Unis. Depuis 40 jours, donc, un « poison noir et visqueux » jaillit par 1.600 mètres de fond à un débit quotidien de 2 à 3 millions de litres, souille déjà les côtes de la Louisiane et menace les côtes de quatre autres Etats américains. Et depuis l’échec du colmatage de la dernière chance avoué hier par BP, on sait que le pétrole pourrait s’échapper des fonds marins à ce rythme pendant des mois encore ! Selon les spécialistes, la nappe souterraine est suffisamment importante pour s’échapper des années avant de se tarir. Un pur cauchemar.
Et comme toujours en Amérique, ce ne sont pas seulement la mort des onze ouvriers engloutis dans l’explosion de la plate-forme pétrolière et les pleurs de leurs proches qui révoltent, ou encore la catastrophe écologique majeure annoncée, mais bien le sentiment qu’ont les citoyens d’avoir été trompés, trahis. Car cette catastrophe planétaire est doublée d’un scandale planétaire.
Depuis plus d’un mois, il ne se passe pas un seul jour sans que l’on apprenne de terribles vérités qui avaient été jusque-là volontairement cachées. Oui cette catastrophe était prévisible, oui une forme d’inconscience et le culte d’une productivité aveugle l’ont même préparée, oui BP a tenté de minimiser les dégâts, oui, le pétrole jaillit dans des quantités cinq fois plus importantes qu’on ne nous l’a d’abord dit, oui les tentatives de colmatage et de mise sous cloche, relayées à grands renforts de spectacle médiatique, étaient probablement condamnées d’avance, oui les familles des victimes pensent qu’on a joué avec leur vie, et oui BP n’aura jamais les moyens de réparer l’irréparable et de « payer » pour sa faute.
En attendant, la colère et la frustration des riverains du golfe du Mexique et des autorités locales grandissent à l’égard de la compagnie pétrolière ainsi que du gouvernement fédéral, qu’ils jugent insuffisamment mobilisés pour sauver leurs côtes en les protégeant par des digues de sable.
Très critiqué lui aussi pour sa passivité supposée, Obama a déclaré que la poursuite de la fuite était une « agression contre les riverains du Golfe, leur gagne-pain et un patrimoine naturel qui nous appartient tous. C’est rageant et cela brise le cœur », a-t-il assuré.
Cette fois-ci, le célèbre « Yes, we can ! » (Oui, on peut le faire), d’Obama est une formule morte, tout comme le golfe du Mexique à jamais défiguré.
Des conditions de sécurité non respectées
Une série d’erreurs et de consignes de sécurité non respectées par BP a provoqué la marée noire qui souille le golfe du Mexique depuis cinq semaines. C’est en tout cas ce qu’a affirmé Mike Williams, le technicien en charge de l’électronique sur la plate-forme Deepwater, lors d’une interview pour la chaîne CBS. Selon lui, BP exerçait depuis plusieurs mois des pressions pour accélérer les travaux en cours sur le site, ignorant les consignes de sécurité. Car chaque journée de retard coûtait 820.000 € à la compagnie. Ainsi, lorsque, quatre semaines avant l’accident du 20 avril, un incident a endommagé le système anti-explosion, celui-ci n’a pas été réparé. Et selon Mike Williams, le jour de l’explosion, un manager de BP aurait demandé d’accélérer la mise en route du puits et de renoncer à un cimentage final.
Des signes avant-coureurs ignorés
L’explosion a été précédée de trois signes avertissant de l’imminence d’un danger ignoré par BP, ont révélé la semaine dernière des élus américains, citant un rapport interne à BP. Le premier avertissement est arrivé « 51 minutes avant l’explosion, lorsque la quantité de liquides sortant du puits est devenue plus importante que celle pompée à l’intérieur du puits ». Dix minutes plus tard, un autre signal s’est déclenché. Bien qu’il ait été fermé pour effectuer un test, « le puits a continué à s’écouler et la pression dans le conduit de forage a augmenté de façon inattendue ». Enfin, le dernier avertissement est intervenu 18 minutes avant l’accident, ont précisé les parlementaires américains Henry Waxman et Bart Stupak. Ces accusations n’ont pas été démenties par BP. Le directeur général de la compagnie, Tony Hayward, a reconnu que « sept défaillances » étaient apparues avant l’explosion de la plate-forme, sans toutefois préciser s’il s’agissait d’erreurs humaines ou de problèmes techniques.
L’ampleur de la catastrophe minimisée
Il est légitime de se demander si BP « a vraiment été complètement honnête sur l’ampleur des dégâts. Il pourrait être dans son intérêt de minimiser les dégâts », a déclaré jeudi Barack Obama. Le président américain a ajouté que son gouvernement allait vérifier les dires du géant britannique. Car depuis l’explosion de la plate-forme, les déclarations de BP sont systématiquement remises en question par les experts. Si la compagnie pétrolière estime que 800.000 litres de brut s’échappent quotidiennement du puits, les experts du gouvernement américains tablent sur 2 à 3 millions de litres. En outre, le 20 mai, BP annonçait pomper 5.000 barils de brut par jour grâce au système de tube mis en place. Quatre jours plus tard, la compagnie est revenue sur ces chiffres et a avoué n’avoir récupéré qu’entre 1.360 et 3.000 barils par jour.
Des désillusions successives
« Le pétrole à l’origine de la marée noire dans le golfe du Mexique a cessé de couler grâce à une opération de colmatage du puits lancée mercredi », avait affirmé le commandant des gardes-côtes américains, l’amiral Thad Allen. Une déclaration prématurée au vu de l’échec retentissant de la dernière tentative de contenir la fuite. En effet, tout comme avaient échoué les tentatives précédentes de bloquer la fuite de pétrole sous un dôme ou de siphonner le brut jaillissant au fond de l’océan à haute pression, l’opération « Top kill » visant à projeter des boues de forage directement dans le puits endommagé pour le boucher a échoué. La compagnie pétrolière envisage déjà un nouveau dispositif qui pourrait être à l’œuvre d’ici quatre à cinq jours. « Nous pensons qu’il capturera la majorité du pétrole s’il fonctionne », a déclaré hier Doug Suttles, directeur des opérations de BP. Mais son optimisme a aussitôt été tempéré par le gouvernement américain. Celui-ci redoute en effet que la fuite ne dure jusqu’au mois d’août.
. Le PDG de BP, Tony Hayward : “Et bien la solution ultime repose sur les puits secondaires, il n’y a aucun doute là-dessus et ce sera en août. En attendant nous devons continuer à contenir la fuite sous-marine, à empêcher l’expansion du pétrole à la surface et à défendre la côte ces prochains mois.”
Il s’agit très certainement du plus gros désastre environnemental qu’aient jamais connu les Etats-Unis. Et la colère et la frustration des riverains du golfe du Mexique et des autorités locales continue de grandir. Ils étaient plus de 500 à manifester dans le vieux carré de la Nouvelle Orléans hier. Ces personnes jugent que la compagnie pétrolière et le gouvernement fédéral ne sont pas suffisamment mobilisés pour sauver les côtes.
Abattu et critiqué, le président Obama a demandé le triplement des effectifs en charge des opérations de nettoyage.