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De Gaulle : sous la statue, le volcan -Publié le 19 février 2017 par Yannick Jaffré

De quoi De Gaulle est-il aujourd’hui le nom ? Celui d’une occultation  assourdissante. Plus on commémore le grand homme – invoqué comme un mort illustre, enfoui sous les trémolos – plus on cherche à étouffersans y parvenir, la clameur du Politique. Nietzsche voyait dans l’« histoire monumentale » le résultat d’une double opération : signaler dans le passé des figures exemplaires ; édifier le peuple par l’exaltation de ce panthéon national. Mais dans un pays, le nôtre, qui pratique depuis quarante ans la repentance et l’autophobie, les monuments historiques subissent de méticuleuses démolitions contrôlées. Si De Gaulle est à peu près le seul à rester debout dans la période moderne, il ne faut pas s’y tromper : on ne l’épargne jamais que pour l’embaumer. La grande ombre historique, trop proche, est aussi trop dangereuse pour l’ordre établi dès qu’on retourne le regard vers qui la projette. On éloigne donc le Général dans le passé en le plaçant aux côtés de Jeanne d’Arc, Louis XIV et Napoléon. Alors qu’il exprime plus violemment qu’eux les origines, réalités et horizons de la France contemporaine, on fait au mieux de lui une statue du Commandeur, au pire, et le plus souvent, une inoffensive autorité morale.

Quelques exemples. Prononcée pour remettre à leur place les anglo-saxons reprochant à la France sa guerre d’Algérie, la phrase de De Gaulle : «  la grande querelle sur Terre, c’est la querelle de l’Homme », deviendrait aujourd’hui le titre possible d’un débat « humaniste » entre démocrates-chrétiens et franc-maçons. De même la réconciliation franco-allemande est-elle convoquée à l’envi par la droite européiste, à telle enseigne que le chef des Français libres finirait presque par apparaître, comble de l’énormité, comme un émule de Robert Schuman. Et même quand on honore l’homme du 18 juin, c’est pour réduire son combat contre l’occupant à l’antifascisme sans fascistes des années 1980, théâtral selon Jospin lui-même. Pour preuve, on a vu Anne Hidalgo (Anne Hidalgo, quand même…) aller fleurir à Colombey la tombe d’un homme qui occupe l’exact antipode de son pauvre univers. C’est son droit, à l’incohérence. Avec elle et ses semblables,  l’époque voudrait rendre rassurant un acteur de l’histoire qui, entouré de haines, passant sous les balles, y a fait vaincre des principes terriblement clivants.

Côté gaulliste prétendu, la référence n’est pas moins usurpée. Ainsi Villepin mobilisait-il De Gaulle pour défendre en 2005 une constitution européiste dont le but était clair : enkyster plus profondément la France dans un organisme atlantiste dont le Général avait retardé l’avènement. Ainsi Fillon avance-t-il avec d’autres « gaullistes » la notion de « souveraineté partagée », contradictoire dans les termes. Ainsi encore Sarkozy avait-il placé sa campagne de 2007 sous le sceau gaullien pour faire réintégrer à la France, une fois élu, le commandement militaire de l’OTAN. Ainsi Juppé enfin, le pire d’entre eux tous, a-t-il couvert aux affaires étrangères la destruction de la Libye et, à travers elle, du nationalisme arabe soutenu par de Gaulle – se laissant au  passage imposer, comme une serpillière, Bernard-Henri Lévy pour vice-ministre. Dans ce camp-là, plus généralement, les uns et les autres se livrent à des primaires bafouant l’esprit de la Ve république qui voudrait que l’élection présidentielle, substitut laïc du sacre de Reims, célèbre la rencontre d’un homme avec le peuple français. Cette atmosphère de pseudo-gaullisme n’est somme toute percée que par une lame claire, la déclaration, j’y reviendrai, sur « la France, peuple européen, de race blanche, de culture gréco-romaine et de religion chrétienne ». Reparue dans le débat public, elle y porte de nouveau une puissante, une nécessaire charge polémique.

la suite sur le blog de Yannick Jaffré

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