• Les afghans croient que les États-Unis financent les talibans

    Les afghans pensent que les États-Unis financent les talibans

    voir aussi : Géopolitique de l'Afghanistan_2eme partie


    Les afghans croient que les États-Unis financent les talibans

    U.S. Army Conducts Operations In Kandahar Province

    C’est une croyance répandue parmi les afghans que l’Occident n’a aucunement l’intention de mettre fin au conflit en Afghanistan. Photographie: John Moore/Getty Images

    Les intellectuels et professionnels respectés afghans sont convaincus que l’ouest prolonge le conflit afin de maintenir son influence dans la région

    Daniella Peled

    Mardi 25 mai 2010 12.00 BST

    Il est quasiment impossible de trouver quelqu’un en Afghanistan qui ne croit pas que les États-Unis financent les talibans, et ce sont les professionnels afghans les plus instruits, ceux qui sont employés par l’ISAF, l’USAID, les médias internationaux – et même des conseillers diplomatiques américains – qui semblent les plus convaincus.

    Un ami afghan, qui parle un anglais impeccable et aime citer Charles Dickens, Bertolt Brecht et Tchekhov, dit que la raison en est claire. « Le États-Unis ont intérêt à prolonger le conflit de manière à rester en Afghanistan sur le long terme. »

    La poursuite des violences entre les forces de la coalition et les talibans en est la preuve la plus évidente.

    « Nous disons dans ce pays, qu’il faut deux mains pour applaudir », dit-il, claquant des mains en signe de démonstration. « Un côté ne peut pas le faire tout seul. »

    Ses arguments sont motivés, bien qu’il en ruine quelque peu l’effet en m’expliquant qu’aucun juif n’est mort dans les Twin Towers. Ce n’est pas seulement le patrimoine naturel de l’Afghanistan, mais sa position stratégique, si l’on suit ce raisonnement. Contrôler ce pays donnerait aux États-Unis un ascendant sur l’Inde, la Russie, Pakistan et la Chine, sans parler de tous les États d’Asie centrale.

     

    « Les Etats-Unis utilisent Israël afin de menacer les Etats arabes, et ils veulent faire la même chose avec l’Afghanistan », dit-il. « Celui qui contrôlera l’Asie dans l’avenir, contrôlera aussi le monde. »

    « Même un enfant de cinq ans sait cela, » me confie un journaliste radio Kabuli, tenant sa main quelques pieds au dessus du sol afin d’illustrer son propos. « Regardez Helmand », dit-il, « comment 15.000 soldats afghans combinés aux forces internationales n’arrivent-ils pas à écraser quelques milliers de talibans sous-équipés? »

    Et pour ce qui concerne les Britanniques, apparemment, ils veulent encore plus rester en Afghanistan que les Américains. La raison pour laquelle ils veulent parler aux talibans c’est pour les mettre au gouvernement, consolidant ainsi l’influence du Royaume-Uni.

    Il ne s’agit pas seulement de vagues préjugés, ni de théories conspirationnistes délirantes si répandues au Moyen-Orient. Il y a une analyse très structurée, si ce n’est alambiquée, derrière tout cela. Si les États-Unis voulaient vraiment défaire les talibans, me demandent toutes ces personnes, pourquoi ne pas s’en occuper au Pakistan? « La raison est simple », me dit un ami. « Tant que vous ne vous débarrasserez pas du nid, le problème va persister. S’ils éliminent les talibans, les États-Unis n’auront aucune raison de rester ici… »

    La preuve en est multiple, disent-ils (même si elle a tendance à inclure la fameuse expression qui exaspère tous les journalistes: « tout le monde sait que… »).

    Parmi les choses « que tout le monde sait », il y a le fait que les troupes de l’armée nationale afghane rapportent que lorsqu’elles prennent le contrôle des bases de talibans, elles découvrent des rations et des armes identiques à celles qui leur sont fournies par États-Unis. Les États-Unis financent tant les madrasas d’Afghanistan que celles du Pakistan, qui produisent les jeunes talibans (voir également ceci). Les hélicoptères de l’armée américaine livrent régulièrement des fournitures derrière les lignes talibanes. Les organisations d’aide humanitaire ne sont rien d’autre que des agences de collecte de renseignement, pénétrant dans les régions où l’armée ne peut se rendre afin d’obtenir des informations sur le terrain. Même le projet de formation de sage-femme le plus modeste est une opération d’espionnage.

    Un politologue, qui travaille comme conseiller auprès d’organismes américains dans le nord du pays, raconte comment les gens craignent l’influence continue des seigneurs de guerre, illustrant son propos par des descriptions de la violence et de la corruption qui s’étendent jusqu’aux domaines de la banque, du gouvernement et du commerce.

    « Les afghans haïssent ces seigneurs de guerre », dit-il, « mais les Etats-Unis veulent les maintenir en place (voir également ceci). S’ils disparaissent, et que des personnes compétentes et honnêtes les remplacent, nous pourrions subvenir à nos propres besoins. Nous pourrions avoir notre propre économie, et exiger la transparence dans les investissements étrangers. On aurait une véritable armée, pour nous protéger et servir l’Afghanistan. »

    Alors pourquoi ces professionnels afghans bien formés travaillent-ils pour des gouvernements dont ils sont convaincus qu’ils veulent planter leurs griffes dans leur pays?

    Il n’y a rien d’artificiel concernant leur patriotisme – avec leurs compétences ils pourraient facilement aller étudier ou travailler à l’étranger, mais ils choisissent de rester pour construire un meilleur avenir pour leur pays. Les afghans ont une méfiance historique envers toute puissance étrangère impliquée dans leur pays, et peut-être avec la résilience d’une nation qui a vu se succéder occupant après occupant, ils sont prêts à attendre, convaincus que la volonté des États-Unis s’usera avant la leur.

    Ils ne veulent pas que l’OTAN s’en aille avant 15, peut-être 20 ans, de toute façon. Le temps qui sera nécessaire afin que les institutions afghanes soient en mesure de survivre de façon indépendante. En attendant, comme mon ami épris de littérature – qui travaille pour un certain nombre d’agences américains – me dit, il n’y a pas de contradiction dans la survie. « J’aime avoir Benjamin Franklin dans ma poche », sourit-il. Autant pour les cœurs et les esprits.

    Source: guardian.co.uk


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