• Un professeur israélien fait vaciller sa mythologie

    Un professeur israélien fait vaciller sa mythologie

    Un professeur d’histoire de l’université de Tel-Aviv, Shlomo Sand, émigré avec ses parents de Linz en 1946 et soldat de la guerre d’annexion de 1967 condamnée comme telle par De Gaulle, vient de publier un ouvrage qui remet en question le mythe de l’existence du peuple tri-millénaire. L’ère des patriarches, l’Exode d’Égypte et le royaume de David et Salomon en seraient les étapes, le tout couronné par le prestige du monothéisme, qui a fait dire à un Pape issu de la Pologne autrichienne - et d’origine cultuelle mosaïste avérée selon une personnalité éminente du clergé d’Autriche que nous interrogions, il y a une dizaine d’années, feu le neveu du dernier confesseur de l’impératrice Zita - qu’un pareil peuple était l’aîné des Chrétiens. Ces quatre affirmations sont ruinées par Shlomo Sand.

    Le chercheur allemand intrépide, le Dr.Heribert Illig, vient d’en faire cette année la recension dans son bulletin interdisciplinaire « Les Sauts du Temps » [1]. Une édition de « Comment le peuple juif fut-il inventé ? » est sortie chez Fayard en 2009. L’indépendance de la recherche n’est donc pas en question en France, sauf s’agissant du contentieux franco-allemand qui dure depuis nos monarques, mais bien le goût de celle-ci.

    L’athée méprise, en effet, ces querelles de source, car il réagit en religieux dogmatique, et le fidèle l’est plus à ce qu’il a lu qu’à un principe transcendantal. De fait, prétendre que Dieu est esprit semble plus difficile à persuader que son antithèse, celle qui le revêt d’un corps matériel, le fait s’incarner ou presque dans un peuple, dont, s’il n’a pas le corps, du moins lui fournit une ombre qui en épouse la forme.

    Dans ce qui est présenté aujourd’hui comme un État que tout chevalier, d’ici ou d’ailleurs, en politique prétend défendre, comme autrefois les lutteurs requéraient la faveur de leur dame, l’auteur israélien insiste sur la séparation universitaire entre l’Histoire générale enseignée dans son État et celle « du peuple d’Israël et la sociologie du peuple juif ».

    Il dit que cette distinction est « une loi d’airain » de l’Université introduite en 1936. Il parle à cet égard d’une « mémoire implantée » [2] qui est transmise par l’éducation. L’archéologie a pour tâche de faire avancer la recherche biblique. Aussi Shlomo Sand en vient-il à la conclusion que l’archéologie, comme la génétique n’est pas une science libre, mais est soumise à un concept historique national. C’est bien ainsi que David Grün surnommé Ben Gourion, né près de Varsovie, fils d’avocat, a formulé son credo en 1969 : « Dans une vue purement scientifique, je puis reconnaître le témoignage de la Bible, même si une autre source [archéologique ou d’inscriptions, précise le chercheur Illig la contredit, pour autant que ce témoignage ne montre pas de contradictions internes et n’est pas manifestement erroné »[3]. Déjà en effet, deux ans après la guerre de 1967, des fouilles archéologiques de ceux qui pouvaient creuser le sol de la rive gauche du Jourdain manifestaient des contradictions, précise le Dr. Illig. C’est ainsi que les mythes s’écroulèrent.

    Les fictions s’éteignent.

    Laissons le chercheur bavarois connu pour ses rectifications chronologiques et sa théorie des « temps fantomatiques », dont les propos surprennent, mais seront, au train où va la critique, malgré la censure officielle feutrée, monnaie courante et authentifiés dans le futur proche, laissons-le nous raconter, dans un numéro de sa revue interdisciplinaire de février 2010, cette avalanche emportant les constructions mythiques : « Le premier mythe bien connu : l’époque des Patriarches à moins 21/20 siècles a vacillé ». Ainsi l’archéologue israélien Benjamin Masar a-t-il interprété les histoires patriarcales des Philistins et des Araméens, « et pourtant les Philistins pour les archéologues ne sont pas saisissables avant le 12e siècle, ni les Araméens avant le 11e. Les chameaux fréquemment nommés dans la Bible n’ont été utilisés comme bêtes de somme que depuis le huitième siècle avant notre ère. Également Ur, comme ville natale d’Abraham, n’a été habitée par les Babyloniens qu’à partir de -9 avant notre ère ; ce n’a été qu’en moins 6 avant J.C. que la ville est devenue un centre religieux en vue ». Aussi l’honorable Thomas Thompson (ce théologien américain persécuté aux États-Unis, qui soutient que la Bible sur un plan historique n’a pas d’appui archéologique, et qui n’a, comme chercheur, de réel soutien qu’en Europe nordique où il est professeur de Vieux Testament à l’université de Copenhague) a-t-il pu suggérer dans son « Historicity of the Patriarchal Narratives »[4] que « les Histoires des Pères soient à considérer comme une histoire tardive rédigée par des théologiens doués. »[5]

    Le second grand mythe vacillant est celui de l’Exode d’Égypte. Ce qui a été gênant avant tout est qu’au 13e siècle, Canaan ait appartenu à l’Empire des Pharaons. Moïse aurait donc conduit les esclaves libérés d’Égypte en Égypte ? L’estimation de dénombrement identitaire aurait exigé que l’errance de 40 années dans le désert de 600 000 soldats qui, avec leurs proches peut se monter à trois millions d’être humains, n’aurait pas été possible ni n’aurait pas pu ne pas laisser de traces. Les textes de l’Égypte ancienne n’en disent mot : aucune allusion aux enfants d’Israël qui se révoltent et quittent le pays. La ville, citée dans la Bible, de Pithom ne s’est développée qu’à la fin du 7e siècle en établissement important. « Même » précise l’auteur israélien, « l’emplacement exact du bien connu Mont Sinaï demeure jusqu’ici non découvert. »[6]

    Troisièmement, la conquête de Canaan, durant laquelle le peuple d’Israël sous Josué a anéanti la plupart de ses habitants n’a jamais eu lieu. Parle contre l’événement le silence égyptien sur un génocide dans son propre territoire. Les archéologues font à nouveau un signe négatif : « De nouvelles fouilles dans les villes puissantes, fortifiées de Jéricho, Ai et Heschbon que, dit-on, les fils d’Israël auraient conquis par un formidable cri de guerre, donnent à nouveau des résultats depuis longtemps connus : Jéricho était, à la fin du 13e siècle, un petit bourg misérable, qui par conséquent, n’était pas fortifié, et Ai et Heschbon n’étaient pas même alors habitées. Il en va semblablement pour les autres villes citées dans le livre de Josué. Dans les villes de Hazor, Lachisch et Megiddo, des signes de destruction et d’incendie ont été trouvés, mais la décadence des vieilles villes cananéennes a duré des siècles et s’est passée en plusieurs étapes. »[7]

    Le professeur Heribert Illig de conclure que chez les archéologues semble dominer l’opinion unanime que la conquête n’est pas constatée. Cette chute des mythes - nous dirons cette démystification - « est pour nous doublement explosive », insiste l’Allemand docte, car le professeur Gunnar Heinsohn, fils du célèbre capitaine sous-marinier et par ailleurs israélophile opportuniste, a dans de nombreuses dissertations et notamment dans son livre remarquable sur les Sumériens, toujours démontré à chaque fois que tous ces lieux de fouilles ont été « feuilletés » en suivant une fausse chronologie. Car, à cause du funeste lien de la datation d’Abraham avec la chronologie égyptienne, toutes les époques, et de tous les peuples, ont été doublées et triplées, des époques réelles ont été assignées à de fausses couches. Aussi d’après ce nouveau signe serait de nouveau à élucider si la conquête est un fait ou une fiction. Le problème de la « fuite d’Égypte en Égypte » dépend de savoir sous quel pharaon elle a eu lieu.

    Le mythe de l’exil détruit par Ben Gourion en 1918

    Dans le quatrième mythe vacillant, on en vient à un résultat semblable : le royaume de David et Salomon a-t-il existé ou ses traces sont-elles à chercher dans de fausses couches ? Bien sûr les archéologues, précise le professeur israélien d’histoire à Tel-Aviv, ne pouvaient pas fouiller au Mont du Temple ni à Al Aqsa, « cependant dans aucun des lieux fouillés dans les environs ne se sont trouvés des restes d’un imposant royaume du 10e siècle, auquel on aurait daté les époques de David et Salomon ». Il y a mieux : « Aucunes traces de bâtisses monumentales, aucuns murs ou palais brillants ne furent trouvés, même les tonneaux trouvés étaient de fabrication grossière ». On a d’abord pensé que le peuple urbain continu et les constructions massives de l’époque d’Hérode en avaient effacé les traces, mais ensuite des découvertes malheureusement impressionnantes d’époques plus anciennes de l’histoire de Jérusalem ont été faites [8]. Un autre archéologue israélien, Yadin a découvert des palais à Hazor et Megiddo. Néanmoins le style de leurs portes renvoie au 9e siècle et « a renforcé l’hypothèse embarrassante que la construction colossale au nord n’avait pas été bâtie par Salomon, mais au temps du Royaume d’Israël. En fait, jusqu’à aujourd’hui, manque toute preuve de l’activité de bâtisseur du roi légendaire, dont la Bible décrit la richesse d’une manière qui ressemble fortement aux descriptions des empires perses et babyloniens » [9]

    Nous n’insistons par sur le monothéisme, puisque la religion d’un peuple de métaphysiciens, comme celui de la Perse, des nations de l’Iran, qui donna son nom de religion (Dat) aux Hébreux, joue un rôle déterminant. Nous insisterons sur un fait important qui saperait, s’il était éventé, la légitimité dont se réclament les fondateurs de l’État israélien : l’exil après la conquête romaine. La proclamation d’indépendance du 14 mai 1948, formulée par Ben Gourion, l’indique : « Après que le peuple ait été chassé de sa terre, et y soit resté fidèle dans tous les pays de la dispersion ». Et pourtant après la guerre et destruction du second Temple (66-70) et la lutte de Masada qui dura jusqu’en 77, si l’on en croit l’Histoire officielle, la population, note Illig, ne fut pas exilée, « de nombreuses villes existaient encore à la fin du premier siècle et étaient en pleine efflorescence ». Et après l’insurrection de Bar-Kochba (132-135), sans doute (et encore est-ce à voir dans la mesure où la découverte de restes de cochons et d’ossements insignifiants dans la dite forteresse de Masada laisse planer un doute !) de nombreux insurgés ont été tués, de nombreuses colonisations et forteresses détruites, mais l’historien romain Dion Cassius remarque que « pas un habitant de la Judée en 135 ne fut banni ». Le Dr. Illig cite Isaac Baer qui a publié à Berlin en 1936 qu’il n’y avait pas eu d’expulsion mais « la nécessité nationale d’un exil forcé ! » et je laisserai Baer à son opinion : « L’exil sans bannissement ne commença donc pas, comme on l’admet dans la tradition juive au 1er siècle, le siècle de la destruction du Temple, mais rien qu’avec la conquête arabe ! »

    C’est reconnaître une fausseté, mais en créant d’autres contre-vérités, que ni le bon sens ni l’archéologie ne peuvent soutenir, y compris en Israël ! L’historien Shlomo Sand cite justement, Ben Gourion qui, en contradiction avec sa propre déclaration d’indépendance de 1948, trente ans avant en 1918 avait, quand il portait son nom naturel signalé plus haut de David Grün, publié une étude [10] où est écrit ceci : « La raison historique enseigne que les habitant qui depuis le 7e siècle avaient vécu dans le pays et y vivent encore, étaient issus de paysans juifs, que les conquérants musulmans ont trouvés à leur arrivée ». Comment être exilé en demeurant sur place, bref comment imaginer un pareil roman dont le sang actuel quotidiennement versé est l’encre d’écriture !

    Notes :

    1. Zeitensprünge, interdisziplinäres Bulletin, 2/2010, Mantis Verlag, "Die Erfindung des jüdischen Volkes," Eine Rezension, von Heribert Illig, S.303-309. 2. Page 40 de l’ édition allemande, "Die Erfindung usw.. Israels.Gründungsmythos auf dem Prüfstand., Propyläen Verlag, Berlin, 506 S 3. Cité par Sh.Sand, p.173, édition allemande4. Sous-titré : à la recherche de l’Abraham historique, édité chez Walter De Gruyter, Berlin, New-York,1974, http://en.wikipedia.org/wiki/The_Hi... 5. Cité p.182, du livre de Sh. Sand 6. Page 184, ouvrage cité 7. Page 185 de l’auteur sioniste 8. Page 187, ouvrage cité 9. Page 187, ouvrage cité 10. Citée page 280

    par Dortiguier mercredi 19 janvier 2011


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :